Chef
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Écrit par Lizzie Gomes, @liz_piwiii
Pour le chef alsacien, être un bon cuisinier ne se limite pas à un plat bien fait. Il faut ce quelque chose en plus qui fera de sa cuisine un souvenir mémorable. Plus qu’un repas, c’est une véritable expérience à vivre qu’il propose à ses convives.
Le plus important pour moi c’est d’être épanoui et de rendre les gens heureux. C’est pourquoi, dans tous mes mets je cherche un « WAOUH effect » avec une touche sexy surprenante sublimée parfois par des goûts de fusion asiatique. Il faut aussi qu’on retrouve un parti pris, une vraie identité. Je ne crois pas à la restauration qui plait à tout le monde. Il faut un concept fort et l’assumer. Et ce n’est pas qu’une question d’assiette : la disposition, la musique ou encore la luminosité font partie de l’expérience.
Je passe mon temps à manger, c’est vraiment ma passion ! Et à un moment, je tilte et ça me donne des idées. C’est ça qui est fabuleux dans notre métier ! La nourriture est éphémère, l’aliment étant mangé et digéré, mais le plaisir qu’elle procure dure longtemps. Car un bon plat qui marche, c’est celui qui reste dans nos souvenirs.
J’essaye et j’y vais à l’œil jusqu’à ce que ça me plaise. Lorsque j’ai travaillé à Londres, j’ai découvert un tableau de Seurat qui représente bien ma façon de dresser. Quand vous vous approchez de la pelouse vous découvrez des touches de rouge, de bleu et de vert et lorsque vous vous éloignez vous remarquez qu’il s’agit d’herbe. Ça m’a marqué ! C’est ça la cuisine, l’herbe est verte mais en fait le peintre à rajouter son bleu, son rouge pour donner une couleur, une perspective et y retranscrire ses émotions.
J’ai toujours une cuillère dans ma poche car je goûte tout, tout le temps ! Aussi, je ne connais pas mes temps de cuisson ou la liste des ingrédients d’une sauce. Je ne retiens rien, mais j’ai une très bonne mémoire sensorielle.
Toute l’Asie m’a énormément marqué, surtout le Japon. C’est un pays à part. Ils sont précis, carrés et très pointus. Ils ne mangent pas du tout les sushis que nous connaissons en France. Ils utilisent beaucoup d’anguilles, de thon et d’autres poissons. Là-bas, le sushi est un vrai art ! Un voyage qui est moins exotique, mais qui m’a beaucoup influencé, c’est lorsque petit, depuis Genève, j’allais rendre visite à mes grands-parents en Alsace. Nous avions 3 h 30 de route et ma grand-mère ne savait jamais à quelle heure nous allions arriver. À l’époque, le portable n’existait pas. À chaque fois, elle préparait une palette avec une salade de pommes de terre. C’est un plat qui est excellent à température ambiante. Elle nous disait qu’il serait toujours prêt pour nous. Nous nous sentions ainsi toujours bien accueillis. Enfin, à Dubaï vous trouvez beaucoup d’influences du monde, notamment indienne. La gastronomie locale est très rare. Je me souviens d’un repas très simple dans le désert avec juste du pain pita cuit au four et du houmous. C’était exceptionnel !
J’aimerais travailler avec l’ail noir. Je n’ai pas encore eu le temps de le faire, mais il faudrait que j’élabore un plat avec.
Le Floris n’est pas un restaurant comme les autres. C’est avant tout un lieu à vivre. J’entends par là qu’avec Lionel (Roque, le cofondateur du Floris, Ndlr) nous l’avons pensé comme un lieu où les clients sont heureux de venir à n’importe quel moment de la journée et pour tous les moments de leur vie. Que ça soit pour les grands évènements tels qu’un anniversaire, un mariage, mais aussi pour du coworking, un petit-déjeuner, un déjeuner d’affaires ou encore boire un verre après le boulot. C’est pourquoi nous l’avons divisé en 4 parties : bar Lounge où nous proposons des cocktails sur-mesure, un espace dînatoire pour déguster une cuisine française revisitée avec une influence du Moyen-Orient, un bistrot élégant façon chalet, idéal pour partager une bonne fondue et enfin un jardin de 2 000 m2 avec vue sur le lac Léman.
Je voulais un concept où l’on mange généreusement, où vous êtes très bien servi et avec une bonne ambiance. Je ne crois plus à tous ces restaurants « cathédrales » où vous avez peur de tousser, de rigoler ou de partager des moments authentiques en famille ! Je suis convaincu que les clients ont le même ressenti. Si les bons produits ne se démodent jamais, en revanche les accords de goût et la façon de les présenter évoluent et au-delà de ça les attentes des clients changent. Quand j’ai commencé en 1996, la bistronomie (cuisine inventive s’inspirant des classiques du bistrot, Ndlr) n’existait pas. C’est un mouvement qui a pris de l’ampleur depuis 10-12 ans. Cela prouve bien que de nouvelles choses se mettent en place.
Nous avons fait un gros travail avec les mixologistes pour obtenir des cocktails étonnants. Ils sont à la fois beaux, élégants avec une surprise en bouche. Nous avons par exemple un cocktail qui prend feu, un autre avec du sucre qui pétille en bouche ou encore un cocktail avec de la fumée qui passe d’une cloche à une autre… Plein d’effets marrants comme ça.
C’est assez marquant ! J’ai commencé à 16 ans dans cette cuisine. J’en ai bientôt 42 et j’ai amené ce twist de modernité inspiré notamment par mes voyages en Asie. Nous n’avons pas touché à la structure même, nous avons changé l’expérience. En gardant des bases classiques, j’ai donc mis ma touche et ma vision par rapport à ce que j’ai vécu.
Tout part de l’émotion. Je n’ai pas fait de longues études, j’ai arrêté l’école à 16 ans, alors je cherche l’authenticité, celle qui part du cœur. Je pense que le cuisinier a une quête très simple : réussir à créer de l’émotion dans la bouche. Sans superflu, juste quand tu manges quelque chose et que tu te dis « c’est trop bon ça ». Exactement quand la texture et la saveur s’accordent parfaitement pour laisser un souvenir inoubliable. Et ça peut arriver n’importe où ! Je me souviens, j’étais à Bangkok et j’ai dégusté un pad thaï dans la rue et des mangues incroyables ! Ma cuisine, peut être très minimaliste ou très élaborée, cela dépend de ce que je cherche à partager. De plus, en fonction de mes voyages, je veux retranscrire mes expériences culinaires avec les produits que j’ai en France et les produits locaux.
Le choix de nos fournisseurs est essentiel. Aller sur place, visiter leur production et dialoguer avec eux, c’est la base. Et j’entends de la porcherie aux champs ou chez le maraîcher. Vous faîtes du bon qu’avec du très bon ! Je recherche le meilleur et il ne peut pas être atteint avec un produit qui a voyagé un mois par bateau. Nous sommes donc 100 % local, sauf pour le thon qui est absent dans le lac Léman.
Le premier qui me vient à l’esprit c’est le croustillant de thon, qui a une belle balance entre les textures. Il est composé d’une petite pâte croustillante avec un tarama truffé et un morceau de thon mariné au soja sucré salé avec un peu de yuzu et un râpé de citron vert. Vous avez aussi le saumon caramélisé qui a mariné dans une pâte au miso avec un beurre de soja. Les végétariens se régaleront avec l’émulsion de pois chiche et betterave élaborée comme un houmous. Côté desserts : le cigare au chocolat et l’incontournable tarte aux pommes maison.
Ses restaurants :
Edern, 6 rue Arsène Houssaye, Paris 8ème.
Le Floris, route d’Hermance 287, Anières, Suisse.
Instagram: @jean_edern
Lorsque Jean-Edern Hurstel a une mauvaise journée, il se réconforte avec du chocolat au lait aux noisettes caramélisées de chez Läderach. Après une soirée trop arrosée, il retrouve de l’énergie avec des gnocchis au gorgonzola. Et quand il fête une belle victoire, il savoure un poisson en croûte de sel ou une belle entrecôte de Wagyu.
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