Chef Pâtissier
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Chef pâtissier à l’hôtel 5 étoiles du Cap-Eden-Roc à Antibes et heureux propriétaire d’une pâtisserie à son nom dans la même ville, Lilian Bonnefoi est aujourd’hui l’un des maîtres-pâtissiers les plus prisés pour sa haute technicité et ses desserts délicats.
Vous avez été élu Meilleur chef pâtissier de la Côte d’Azur à 38 ans (2008). Comment êtes-vous tombé dans la pâtisserie ?
Quand j’avais 9 ans, j’allais aider mon oncle fleuriste le mercredi à faire des bouquets pour son client les frères Troisgros. Il allait fleurir les tables dans leur restaurant et nous construisions les bouquets dans un coin de la cuisine. J’ai tout de suite aimé l’ambiance du lieu, c’est ce qui m’a donné envie de faire ce métier ! Au départ, je voulais d’ailleurs être cuisinier mais il n’y avait plus de place dans cette section à la formation que l’on m’avait proposée. Je suis donc parti en pâtisserie et n’en suis jamais ressorti ! Une vraie passion.
Vous prenez vos premières fonctions de commis puis de sous-chef pâtissier chez Jean et Pierre Troisgros jusqu’en 1991, que gardez-vous de cette expérience aujourd’hui dans vos pâtisseries ?
La recherche du produit d’exception et du goût unique. Le travail des textures éphémères, aériennes… Et aussi les collaborations avec les producteurs locaux qui ont des produits de grande qualité.
Quels sont vos défis pour chaque nouvelle création ?
Que ce soit dans ma boutique ou au restaurant, mon défi est toujours de créer une émotion chez mon client. Lorsque cela leur rappelle un souvenir d’enfance, un voyage, un moment de leur vie… c’est là qu’on a gagné notre pari ! L’excellence se situe dans le produit, la technicité, dans tous les détails, mais surtout dans l’émotion que l’on suscite.
Comment décririez-vous votre rapport à la pâtisserie ?
Cela fait maintenant 35 ans que je suis dans le métier, j’ai acquis une certaine technicité et donc je me sens libre ! Je n’ai jamais ressenti de fatigue ni de lassitude. Je vis vraiment la passion, je ne fais rien à contre cœur, même dans les périodes les plus compliquées. Quand on a fini notre service au restaurant ou la fournée du matin dans la boutique, il y a une vraie satisfaction et beaucoup de plaisir !
Où puisez-vous votre inspiration ?
Dans les réseaux sociaux, les magazines, les livres… Je suis les comptes de mes collègues pâtissiers, cuisiniers ou artistes (ils ont un rapport aux formes et aux couleurs qui est toujours intéressant !) Je me renseigne sur les tendances de mode pour sentir ce qui va plaire aux gens et sur les courants, en général, comme dernièrement le retour en gastronomie des produits anciens, oubliés…
Les autres cultures vous inspirent-elles ?
Les voyages m’aident à développer ma créativité. Je vais souvent au Japon, toutes leurs saveurs, leurs agrumes, m’inspirent beaucoup. Le minimalisme de leur mode aussi. Dernièrement, j’ai rapporté un sucre qui est créé dans le sud du Japon et qui apporte un goût différent du sucre classique, plus doux. J’ai aussi ramené le sudachi, un petit citron qui donne beaucoup de parfum aux desserts. Son goût est assez surprenant !
Quel est votre processus de création lorsque vous concevez un nouveau dessert ?
Cela part toujours d’un produit d’exception qui sert de base à la création. Le but est de sublimer son goût dans le gâteau, tout au long de la dégustation. Par exemple lorsqu’une productrice de l’arrière-pays nous amène un miel de romarin, on le goûte d’abord en équipe. On pense qu’il sera bon avec un abricot, une figue, etc., et on construit le dessert ainsi. On fait des dégustations à plusieurs pour savoir si le dessert sera plus consensuel ou non, s’il faut du croustillant…
Quand savez-vous que votre dessert est fini ?
On revient toujours sur un dessert ! C’est un processus assez long. D’une année à l’autre, on peut le revoir, apporter un nouveau produit, un nouveau mariage… Tout en gardant le fil conducteur. Un dessert n’est jamais abouti, selon moi.
Quelle est votre dessert signature ?
Dans ma boutique, mon dessert signature est un gâteau de crêpes soufflées très léger sans crème et sans gluten que j’ai découvert chez Troisgros et revisité. Il est décliné en trois parfums : framboises, agrumes et chocolat noisette. C’est gourmand et à la fois très léger. On l’appelle le VIP : Very Important Pâtisserie.
Quels sont vos produits–phares ?
Ceux qui sont très ronds et très gourmands comme le praliné, le caramel et la vanille.
Comment définiriez-vous votre style de pâtisserie ?
Le produit d’excellence de saison et la technique pour le magnifier.
Quelle technique apporte par exemple une touche singulière à un produit ?
La technique de concentration de jus de fruit donne des parfums aux pulpes de fruits exceptionnels, des goûts très puissants que l’on ne trouve pas si l’on fait par exemple un jus de fruit réduit sur le gaz. Parce que vous aurez une déperdition trop rapide : le fruit va oxyder, un goût de pâte de fruits va ressortir et vous n’aurez plus le côté floral.
Quel dessert vous ressemble le plus ?
Le pain perdu. Un dessert simple mais très gourmand. J’aime le côté beurré de la brioche, le moelleux, le toasté, le caramélisé, la vanille…
Durant votre parcours, vous faîtes une escale aux Antilles, à Saint-Barthélemy en tant que chef à l’hôtel Guanahani, un quatre étoiles luxe. Vous reste-t-il des influences de ce pays aujourd’hui dans votre cuisine ?
J’y ai ramené l’exigence de la qualité des fruits. Là-bas, vous trouvez des melons exceptionnels, des fruits exotiques succulents… Mais je n’ai pas ramené de recettes, je préfère m’adapter au terroir où je suis pour avoir les meilleurs produits.
Vous êtes un adepte du 100% fait maison.
Oui ! Nous faisons notre praliné avec des noisettes du Piémont, notre pâte d’amande à partir d’amandes de Provence… L’inconvénient des produits que l’on achète semi-finis est que l’on ne maîtrise pas l’ensemble des matières brutes qui le composent. On perd donc en qualité et en goût. Aujourd’hui on peut acheter des babas prêts à tremper mais ils n’auront jamais la même saveur, la même texture et la même qualité qu’un baba fait maison. Et il y a aussi les conservateurs ! Nos produits à nous sont vivants et ont le goût exceptionnel des artisans qui font tout de A à Z.
En 2015, vous ouvrez votre propre pâtisserie en plein cœur d’Antibes.
Cette boutique représente pour moi un vrai aboutissement après avoir fait l’ensemble de ma carrière dans des restaurants de palace. J’avais envie de revenir vers mes premières amours, lorsque j’ai passé mes examens de pâtissier, c’était dans une boutique ! Je voulais mettre en avant mon savoir-faire pour tout le monde et non uniquement pour une clientèle élitiste. Avoir une boutique à mon image, avec des desserts qui me ressemblent, me tenait à cœur. Quand vous travaillez pour un hôtel de luxe, vous avez le poids de l’image mythique, de la clientèle hors norme et, même si vous avez tous les moyens pour vous exprimer et une équipe formidable, il vous manque l’occasion de faire des choses qui vous ressemblent vous.
Instagram : @lilianbonnefoi
L’excellence est dans le produit, la technicité, dans tous les détails, mais surtout dans l’émotion que l’on suscite.
Le dessert qui me ressemble le plus ? Le pain perdu. Simple mais très gourmand.
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