Compositeur floral
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Écrit par Laurent Rojot, @laurentrojot
Ce qui consacre un artiste ? Lorsque l’on reconnaît son style.
En matière de bouquets, celui de Thierry Feret est reconnaissable entre mille.
Un fleuriste, ou plutôt un compositeur floral, unique en son genre, humain, poète… artiste.
La vie est une suite de chapitres, professionnellement notamment. Se risquer à changer de métier n’est plus un tabou, fort heureusement. Vive l’épanouissement ! Après une belle carrière l’ayant mené à diriger des restaurants, Thierry a récolté les fruits (et les fleurs en l’occurrence) de sa crise de la quarantaine. « Envie de tout changer ».
Allant souvent aider un ami fleuriste, il se retrouve un jour seul face à une cliente, qui insiste pour acheter un bouquet, prévenue que notre homme n’était pas de la profession, mais qu’il voulait bien essayer. Au final, elle adore, et lui dit qu’il devrait devenir fleuriste. « Voilà le déclic ! ».
Après deux ans d’auto-entrepreneuriat, la folle envie d’ouvrir une boutique se concrétise (on ne se refait pas fils de commerçants), motivée par le besoin de retrouver ce rapport direct à la clientèle. C’était en 2012.
Aujourd’hui, Thierry est un autodidacte établi et reconnu, promis à un avenir des plus… florissants ! Son credo : « Oubliez toutes les règles ! Suivez votre envie, elle sera votre passion… ». Le choix de s’être installé rue de Chabrol, dans le Xème arrondissement, a permis de séduire une clientèle de quartier pointue, sensible à la création (aussi à la gouaille du maître des lieux), et qui a su faire passer le message dans ses réseaux pros.
Car aujourd’hui, les marques de mode et de déco ont bien pris conscience de l’impact de ses créations. Thierry compose pour les salons et les clientes Haute Couture de Jean-Paul Gaultier, collabore régulièrement avec Sacha Walckoff, directeur artistique de Christian Lacroix Maison, avec Tod’s, Diptyque, Lalique et tant d’autres.
Un engouement des plus justifiés car un bouquet de Thierry ne ressemble à aucun autre. Il les a d’ailleurs baptisés ses flowerbombs. Anti-classicisme assumé. Explosions de couleurs, de formes, de genres : des fleurs de saison, des fleurs exotiques rares, des feuillages, des fruits et légumes, du frais, du séché, du bombé de peintures flash ou métal, des plumes… Le registre s’enrichit perpétuellement.
Et vous ne trouverez pas que des fleurs chez « Titi la Tige ».
Le décor est en phase avec ce qui est vendu : un multimix inspiré.
La paillasse de carrelage blanc façon labo à joints saumon fait face à un meuble scandinave sur fond outremer. Une table en terrazzo chinée. Aux murs et sur les étagères : papillons et autres insectes sous cadres, trophée d’antilope à couronnes de fleurs des îles, sélection hétéroclites de vases, bibelots, jouets… parfois kitsch ou folkloriques, indépendamment détonants, mais tellement cohérents dans cet univers si personnel.
Quelques plantes en pot (les cactées ont la part belle), des couronnes de fleurs séchées revisitées ou des Smudge Wands (bâtons de sauge blanche customisés – pour écarter les mauvais esprits), et de quoi vous concocter des bouquets personnalisés en fonction de vos envies et de vos découvertes sur place.
L’essence d’un service premium. Objectif émotion !
PRÉFÉRENCES
– Un pays ?
Je vais régulièrement à Bali ; une vraie rencontre avec cette île.
– Un paysage qui restera à jamais gravé dans votre mémoire ?
Un coucher de soleil avec mes amis les plus proches sur l’île d’un ami dans le golfe du Morbihan.
– Un hôtel, une maison d’hôte ?
La sublime maison d’hôte Le 35 Mai aux Vans en Ardèche (le35mai.com).
– Un restaurant ?
Les Arlots, Paris 10ème.
– Un musée ?
Le Musée d’art moderne Louisiana, près de Copenhague, pour son architecture moderniste.
– Un livre ?
« Arrête avec tes mensonges » de Philippe Besson. Beau !
– Une rencontre ?
Sacha Walckhoff directeur artistique de la Maison Christian Lacroix. Au départ professionnelle, cette rencontre m’a beaucoup nourri. Sacha est aujourd’hui devenu un ami.
– Un plat ?
J’adore cuisiner ; des plats simples, à partager avec mes amis.
– Un meuble ?
L’étagère bleue Rocky, de Charles Kalpakian, éditée par La Chance.
Un vrai coup de foudre.
– Chaussures préférées ?
J’en ai tellement ! Que des sneakers.
– Un bijou ?
Ma montre J12 de Chanel, que l’on m’a offerte pour mes 35 ans.
– Appli préférée ?
Instagram ; c’est devenu mon meilleur book.
– Un drink ? préférée ?
Le Spritz en été, du bon vin en hiver.
– Un pêché mignon ?
Le chocolat. Suis addict !
LA JOURNÉE RITUEL DE THIERRY FERET
« Le mardi (et le jeudi d’ailleurs !), réveil à 4h du mat, un café et hop, me voilà dans mon fourgon pour aller à Rungis.
Ce que j’aime là-bas, c’est que l’on ne sait jamais ce que l’on va trouver ; le marché aux fleurs de Rungis est vraiment une source d’inspiration incroyable.
J’arrive à 4H45, et là, je commence par mes fournisseurs principaux pour voir ce qu’ils ont déniché pendant la nuit. Selon les arrivages, de très belles surprises me font parfois imaginer une Flowerbomb dans l’instant, selon les formes et les couleurs trouvées
Je reste bien deux heures à faire mon marché ; je suis assez lent car j’aime prendre le temps de choisir les formes, les tonalités, en fonction des arrivages donc, mais aussi suivant les besoins particuliers pour une commande, un évènement.
Je rentre vers 8H30 à la boutique. Et là commence le travail de nettoyage des fleurs ; mon équipe et moi-même préparons chaque fleur et organisons notre mise en place dans la boutique. On peut ensuite démarrer l’assemblage des compositions pour les commandes, les abonnements floraux…
A cela s’ajoutent les rendez-vous à l’extérieur pour prise de brief avec les clients qui souhaitent faire appel à nous afin de fleurir un espace ou un événement.
Ces journées chargées passent très vite.
Le soir, je suis content de rentrer et de me poser dans mon canapé avec un petit verre de Saké après une bonne douche chaude. Un bon film. Sleep well. Repeat ! »
QUESTIONS PASSIONS-PASSION
Est-ce une chance ou une forme de servitude d’avoir sa passion comme métier ?
Une chance. Il y a 10 ans j’ai choisi de changer de vie pour me consacrer aux fleurs, un domaine qui m’était complètement inconnu, mais vers lequel je sentais qu’il fallait que je me dirige. En même temps, les fleurs ne sont qu’un prétexte, un moyen pour assouvir une envie de création. Je ne parlerai pas de passion exactement, plutôt d’une intuition naturelle, une envie de jouer avec le matériel végétal, de jouer avec les couleurs, les formes, les textures, comme avec une palette de peintre.
La passion est-elle dangereuse ?
Non, elle est vitale. On a besoin de passion pour avancer. Carrément moteur !
Différenciez-vous passion et passions ?
Oui bien sûr. La passion reste pour moi liée à un sentiment entre amour et folie ; ce sentiment de vouloir/pouvoir faire des choses complètement démentes pour être avec l’être aimé. Quand la passion s’empare de moi, c’est souvent très fort, explosif, voire auto-destructeur. Quand je me laisse guider par la passion, elle m’emporte dans un autre moi. Je ne suis pas le même. Je ne réponds plus de moi [Rires] ! Je suis capable de beaucoup de choses sous passion.
C’est d’ailleurs très dur de mettre fin à une passion soi-même.
Généralement ça ne dure pas longtemps, mais qu’est-ce que c’est bon !
Les passions sont des désirs factuels, des envies réalisables à tout moment et à tous les âges. Elles nous font avancer et nous dévoilent : les fleurs sont le déclic de ma passion pour les couleurs, pour l’assemblage de ces matières premières d’exception. C’est peut-être de là que vient mon surnom de Thierry Feret le coloriste.
Cette passion de la couleur m’a même fait évoluer vers d’autres dimensions de l’art floral. Je me suis mis à colorer par capillarité certaines de mes fleurs ou même à en bomber certaines, comme un tagueur.
Je joue, je crée dans mon flowerlab. Mon grand kiff artistique
Site : Floweredby.com
Instagram : @floweredbythierryferet
Le bouquet Ergo Sum
Si Ergo Sum était une flowerbomb ?
« Pour ce type de commande très visuelle, je commence par une base dans des tons neutres, des pastels, et c’est ensuite un crescendo dans les couleurs fortes. Des fleurs de saison, puis des fleurs exotiques, teintées, séchées, pour parfaire l’explosion. Et si, au départ, j’ai toujours une vision finale, plus je le construis, plus tout change, dans l’instant et à l’instinct. Jamais deux bouquets identiques. »
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